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Exclusif, interview de François Feuillet, 2ème partie : « Le phénomène du van est logique à mes yeux »

Suite de notre entretien exclusif avec M. Feuillet, président du Syndicat des Véhicules de Loisirs. Considéré comme l’homme fort du secteur en Europe, François Feuillet se livre pour Esprit Camping-Car. Interview, seconde partie.


Esprit Camping-Car : Une des évolutions marquantes ces dernières saisons est l’explosion des fourgons et vans aménagés. Comment expliquez-vous que nous sommes passés d’un segment considéré comme une niche à un segment dominant du marché ?

François Feuillet : Ce n’est pas arrivé tout de suite en effet. Avec Trigano, il y a longtemps que nous avons investi dans le van, notamment en rachetant Font-Vendôme (en 2004) et en créant une usine en Italie à côté de celle de Fiat. C’est un phénomène logique à mes yeux. Le van est plus proche de l’automobile que du camion donc ça favorise les gens un peu âgés qui en ont marre de conduire ce véhicule compliqué de 3,5 tonnes, sensible au vent latéral. On peut donc imaginer que le fourgon aménagé peut être acheté par des personnes relativement âgées.

Deuxièmement, on peut penser que le stationnement est un problème important, en particulier en raison des interdictions abusives contre lesquelles l’UNIVDL lutte mais aussi par la différence de la taille de la place du parking et celle du véhicule. Avec le fourgon aménagé, on arrive dans la logique des fourgons qui se garent partout. Cela favorise l’usage d’un fourgon aménagé.

Enfin, pour les jeunes, les vans peuvent servir de voiture. Ça rappelle des temps de liberté, des temps où on vivait autrement. Ça rappelle des temps de la vie adolescente pour des gens qui vivent en couple, qui n’ont pas d’enfant ou un tout petit et qui veulent encore vivre une vie de bohème avec un van. Ils sont jeunes, ils n’ont pas encore forcément besoin de tous les équipements sanitaires d’un camping-car.

ECC : L’arrivée de cette jeune clientèle peut-elle permettre de les voir ensuite venir sur le marché des camping-cars classiques ?

F.F. : Non… enfin ils acquièrent de l’expérience. Quand on interroge les camping-caristes, ils répondent toujours avoir, dans le passé, fait de la caravane par exemple. Cette expérience préalable est un phénomène facilitateur de l’achat d’un camping-car vers 60 ans. C’est un retour dans le monde du camping-car. Globalement, ils vont quitter le milieu du camping-car rapidement car le petit enfant va grandir, il aura un petit frère ou une petite sœur. Ils penseront qu’ils doivent rester à la maison, faire des activités multiples et variées.

Leur budget consacré au camping-car sera réservé à d’autres choses, tout comme le temps qu’ils consacraient au camping-car le sera dans cette vie inintéressante où ils élèveront leurs enfants et travailleront. Quand les enfants seront partis, ils auront 60 ans. Ils auront de nouveau le temps, de nouveau le budget et reviendront vers le camping-car. Mais bon, ça, c’est dans longtemps.

Une étude norvégienne montre que le seul moyen de produire moins de Co2 que le camping-car est de rester à la maison

ECC : Vous mettez toujours en avant le camping-car comme le moyen de vacances le plus écologique qui soit. Pouvez-vous expliquer votre vision sur ce point qui n’est pas toujours partagé par d’autres ?

F.F : Ce qu’il faut comprendre, c’est que le camping-car, c’est une maison qui est accessoirement un véhicule et non pas un véhicule qui est accessoirement une maison. Le camping-car fait très peu de kilomètres, entre 10 à 12.000 par an. En moyenne, le camping-car sort entre 70 à 90 jours par an et roule entre une heure, une heure et quart pour chaque sortie. Il va être prudent sur la route mais du fait de son poids, il va être plus polluant qu’une voiture sur ce laps de temps.

Mais dès qu’il sera à l’arrêt, le camping-car reprend son aspect de maison et là, la différence sera colossale. Il n’a pas accès à l’électricité la plupart du temps, il y a donc une grosse économie sur ce point. A l’hôtel, il y aurait l’électricité dans les couloirs, la clim, etc… Idem dans les terrains de camping. Des études ont été faites en Allemagne et, surtout la dernière, en Norvège qui montrent que le seul moyen qui produit moins de Co2 que le camping-car est de rester à la maison. Alors, oui, rester à la maison, c’est pas mal.

Mais quand on parle de l’empreinte de Co2, à l’hôtel, elle est importante. Les restaurants, ça coûte extrêmement cher car c’est collectif, que ça doit répondre à un certain nombre de normes de consommation abusive. Par rapport à l’avion, il n’y a pas photo. Pareil pour ceux qui prennent le bateau pour une croisière. Par rapport à la voiture, il n’y a pas photo, notamment en raison de l’impact de l’hôtel. On pourrait dire qu’un individu qui, pour ses loisirs, part en car pour rejoindre un camping, s’installe sur un emplacement démuni d’électricité et en dort sous une petite tente canadienne, on arrive dans doute à moins de consommation de Co2 en effet. Mais ce n’est pas scénario qu’on a étudié (sourires).

ECC : L’une des problématiques récurrentes du camping-car reste le stationnement en France. Avec UNIVDL et le CLC, vous vous battez pour que les communes accueillent les camping-cars. Quelles sont les actions que vous pouvez mener, que nous pouvons tous mener, pour que les communes récalcitrantes changent d’opinion sur l’accueil des camping-caristes ?

F.F : Premièrement, le comportement citoyen de la commune est important. La commune doit comprendre que le camping-car est un mode de loisirs qui permet de diminuer la pollution ainsi que la diffusion du coronavirus. C’est quand même bien d’accueillir ce type de produit. Au-delà de la prise en compte de l’intérêt général que les utopistes comme moi peuvent considérer comme important, l’intérêt économique de l’accueil des camping-caristes est essentiel car ils consomment localement. Le camping-cariste va chez le boulanger, au supermarché localement. Avant la Covid-19, il allait au restaurant aussi.

Ensuite, il faut prendre en compte le fait qu’il vient toute l’année et pas seulement aux mois de juillet et août. Il n’a pas besoin d’infrastructure importante : un endroit où se garer. En France, il existe un important maillage avec des stations pour vidanger et avoir une station d’eau. La France est en avance sur ce point. Ça change d’avant, à mes débuts dans le camping-car, les gars stationnaient près d’un cimetière car ils savaient que dans les cimetières, il y a de l’eau gratuite. Maintenant, de l’eau, on en trouve partout, on peut vidanger nos eaux usées facilement grâce à ce très bon maillage en France. Ce tourisme apporte à l’économie locale.

On explique aux communes qu’elles doivent arrêter de prendre des mesures discriminatoires et illégales contre l’utilisation des camping-cars.

Ce qu’on peut faire, déjà, c’est de populariser ces idées de l’intérêt général et de l’intérêt de la commune. Pour cela, on leur explique pour qu’ils arrivent à arrêter de prendre des mesures discriminatoires et illégales contre l’utilisation des camping-cars. C’est compliqué car il y a une rotation assez forte des élus locaux. Donc, tous les six ans, nous devons reprendre notre bâton de pèlerin pour expliquer aux communes que la nouvelle interdiction qu’elles viennent de prendre n’est pas une bonne idée.

Il faut lutter contre les lobbys, ceux des terrains de camping, des hôtels, qui voient d’un mauvais œil ce concurrent qui vient s’ajouter à la mode des «Airbnb» qui leur prend du travail. C’est un travail de longue haleine. A l’UNIVDL, nous avons un missi dominici qui va prêcher la bonne parole comme, autrefois, les prêcheurs allaient d’église en église pour motiver les populations catholiques à vivre un peu mieux et éviter d’avoir trop de pêchés.

ECC : Comment procède-t-il ?

F.F : Ce missi dominici travaille dans un premier temps. Il forme, il conseille, se renseigne et nous permet d’avoir les arrêtés d’interdiction de stationner qui sont pris, fait des reportages photos. Ce qui nous permet d’avoir un dossier complet pour œuvrer. Mais, avec certaines communes, nous en arrivons, parfois, à avoir des fins de non-recevoir.

Parfois, celles-ci peuvent s’expliquer ou sont justifiables, notamment lorsque la pression est trop forte, quand la commune n’a pas de parking, qui est dans une situation géographique complexe, qui subit un fort engorgement l’été.

Cette commune en vient à dire non. Par contre, dans les communes qui prennent des décisions sur l’intégralité de la ville, y compris dans des zones complètement désertes, c’est incompréhensible. Dans ce cas-là, on passe à un stade supérieur, celui du pré-contentieux. Si on ne trouve pas un accord amiable, on passe ensuite au contentieux pur et dur et, en général, on fait condamner les communes.

ECC : C’est un vrai travail de longue haleine, de titan même ?

F.F : Oui, c’est un travail de longue haleine, mais l’objectif est que le camping-cariste conserve cette sensation de liberté. C’est vrai que sa liberté est de plus en plus restreinte car il y a de plus en plus de camping-cars, ce qui implique certaines mesures contraignantes, principalement sur mois d’été.

L’un de nos objectifs est que la limitation des libertés des camping-caristes progresse moins vite que l’accoutumance que le camping-cariste a que la liberté d’autrefois ne peut plus être celle d’aujourd’hui, qu’il y a, malheureusement, une régression dans la liberté, mais qu’elle existe toujours.

Quand j’étais jeune, on campait n’importe où, on s’arrêtait où on voulait. Maintenant, on ne peut plus, cela n’existe plus car on ne peut pas faire n’importe quoi. On s’est habitués à cela.

Suite de l’entretien de M. Feuillet demain. Vous pouvez retrouver l’intégralité de cette interview dans le numéro 100 d’Esprit Camping-Car. 

Vous pouvez relire la 1ère partie de cette interview exclusive sur notre site, sur ce lien.

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